Se poser au Bourget, pour un pilote qui n'a pas connu le Transit Nord ouvert, est une opportunité à ne pas manquer !
En 2006 et 2007, je suis venue à la journée des Femmes de l'Air depuis St Cyr via Lognes.
La première fois en DR400, la deuxième fois en Mousquetaire. En 2008, je n'étais pas là… être femme pilote,
c'est aussi être femme et cette année là, je devenais Maman.
Pour l'édition 2009, je partirai de St André de l'Eure pour une arrivée via Pontoise.
La plupart des avions arriveront par Lognes et ont droit à un dossier de vol avec photos des points de report
et indications détaillées. N'ayant ce privilège, j'étudierai donc moi-même la navigation.
Le programme Navigation de Foufou, Google Earth et la carte 250000e de la région parisienne sont
d'excellents outils qui permettent une préparation rigoureuse.
Silence on tourne !
Question de couvrir de manière différente la Journée de la Femme, France 3 est intéressé pour faire un
reportage sur l'évènement. Participer à la promotion de l'aviation légère auprès du grand public, et
qui plus est des filles pilotes me séduit. Il ne me reste plus qu'à intégrer la gestion des journalistes dans
l'organisation. Encore un domaine où l'anticipation est de rigueur.
Préparatifs
Logs soigneusement épluchés, cartes et points de repères minutieusement étudiés,
la partie navigation est apprise comme une récitation.
Avec un quart d'heure de vol entre Pontoise et Le Bourget, il ne s'agit pas de
découvrir l'itinéraire en vol ! Dans la classe A, les points tournants seront toutes
les 2 ou 3 minutes, avec une tolérance de 100 pieds et un degré de cap.
Isabelle F. élève pilote, m'accompagnera pour ce vol inhabituel. Une soirée 'briefing raclette'
nous permet d'étudier ensemble le vol et de nous répartir les tâches.
Les expériences précédentes m'ont en effet appris qu'il faut éviter la situation ou 3
passagères lisent une fréquence différente sur leur VAC !
Isabelle affichera les fréquences sur ma demande, surveillera la GPS du coin de l'œil,
cherchera avec moi les points tournants, et jonglera avec les VAC. Elle fera aussi de jolies
photos aux moments prévus plus calmes.
Pour ce qui est de l'avion, le DR 400 F-GLKR, je vais le voir la veille du départ, question
de le bichonner d'un coup d'éponge, de faire le plein à l'avance et de m'assurer qu'il dormira placé à l'avant du hangar.
L'équipe de France 3 est jeune et dynamique. Magali Nicolin, présentatrice du
19/20 et son cameraman Antoine Morel anticipent notre rencontre en préparant les plans de
vue envisagés et les moyens techniques à mettre en place.
Il s'agit de ne pas perdre de temps mais aussi d'intégrer la réalisation du reportage
dans l'organisation de la journée afin de ne pas engendrer de stress et d'éviter les improvisations de dernière minute.
A l'heure où blanchit la campagne…
Les bulletins météo, très pessimistes les jours précédents, s'améliorent à l'approche du jour J.
Les TAF du matin donnent des conditions acceptables pour la première branche vers
Pontoise et un temps parfait pour la seconde vers le Bourget.
Le cameraman s'installe à mes côtés pour le premier décollage de la journée et il
manipule tant bien que mal sa caméra de 12 kg afin de tester les angles de vue prévus.
Je mets en route une fois que nous avons vérifié que rien ne gêne les commandes.
Une fois en l'air au-dessus de la couche de nuages épars, nos visages s'illuminent d'un grand sourire.
Le soleil est là au rendez-vous, une ligne de ciel bleu fend le ciel gris.
Antoine aura de belles images, et moi je suis rassurée quant à la visibilité sur le trajet.
Rendez-vous à Pontoise
L'arrêt prévu à Pontoise permet une vérification des papiers par la Gendarmerie du transport aérien,
un dernier briefing pour la nav en classe A, et un échelonnement des slots de départ en liaison avec Lognes et le Bourget.
Je me gare à côté du Cap 10 sur lequel j'ai quelques dizaines heures, en me disant
qu'il serait tentant de regarder la Tour Eiffel de près la tête en bas. Mais, ne mélangeons pas tout !
L'équipe TV nous rejoindra au Bourget, Isabelle et moi prenons donc notre temps pour un dernier briefing en
y incorporant la piste de décollage et donc aussi le sens du virage après la montée initiale.
Et un, et deux, et trois points tournants et… Le Bourget nous voilà !
Je mets en route derrière le Stampe en lui laissant assez de temps pour que nous ne
provoquions pas un embouteillage dès le premier point de report.
Finalement nous attendons au point d'attente qu'un contrôleur excédé demande à un
pilote d'arrêter d'essayer de faire la radio en Anglais car il ne comprend pas ses instructions.
L'atmosphère est détendue dans le petit Robin, nous sommes impatientes d'entamer la partie la plus
intéressante de notre navigation.
La montée initiale est à peine achevée que je bascule sur la fréquence du Bourget pour m'annoncer :
pas de bafouillage ou longueurs possibles, J'ai pris l'ATIS au sol par téléphone et je passe donc directement avec l'approche.
Le premier point, W1 est trouvé facilement et j'ai juste le temps de prendre le nouveau cap avant de pénétrer la classe A.
Le prochain point tournant n'est bizarrement, pas un point de report. Nous l'avons surnommé le point Bidule.
Il s'agit en fait du point d'Herblay, qu'une immense carrière à ciel ouvert peut faire croire facile à trouver.
En fait, la carrière est derrière une colline et nous ne la voyons qu'une fois au-dessus. Pile sur le point, c'est rassurant !
La Défense semble tout proche, comme posée sur un cotonneux nuage de brume.
Changement de cap pour aller sur W2.
A 1500 ft QNH, nous survolons une zone densément habitée. L'hippodrome d'Enghien
à mi-parcours doit être le seul endroit envisageable en cas de panne.
Je m'annonce à W2 et obtiens aussitôt une clairance pour la vent arrière 21.
Là, il s'agit de prêter grande attention et d'éviter de se retrouver en finale
sur la mauvaise piste, ou pire sur celle désaffectée, après les 3 virages à venir.
La dernière fois, le poser en 03 avait été d'une simplicité d'enfant, il suffisait de viser
la fusée Ariane pour trouver de seuil de piste bien avant l'arrivée.
Un jet attend patiemment au point d'arrêt pour décoller derrière nous.
Habituée à voler sur l'aéroport New-Yorkais de Teterboro, où ce cas de figure est standard,
je tourne rapidement en base puis finale… De toute façon j'aurai plus d'un kilomètre de roulage ensuite !
La piste est vite dégagée et la VAC en main je m'apprête à trouver le chemin vers le Musée.
Cette étape est toujours la plus délicate ! Une camionnette orange arrive en face, fais demi-tour,
et nous comprenons que nous avons le privilège d'un véhicule 'Follow-me'. Les contrôleurs ont donc trouvé
une solution à la pagaille qu'il a pu parfois régner au sol lors des éditions précédentes !
La rose du Petit Prince
A peine la verrière ouverte, Stéphane, artiste-choumac réputé du Musée et très bon ami, nous tend
les deux roses blanches maintenant tradition de l'arrivée des femmes au Bourget.
Ses pétales sont douces, elle est la récompense d'une navigation longuement préparée, et elle me rappelle
celle du Petit Prince… " C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante ".
L'équipe télé est là autour de l'avion, ainsi qu'un grand nombre d'amis. Nous montons à l'ancienne
tour vérifier que le plan de vol retour a bien été enregistré et mon carnet de vol reçoit son troisième
tampon souvenir sur la page qui marquera mon passage des 300 heures de pilotage.
Une organisation bien rodée
L'équipe du Musée nous accueille chaleureusement et il est rapidement évident que
l'organisation de l'évènement murit au fil des ans.
Déjeuner pour les équipages et pack de bienvenue ont été ajoutés au programme.
Beaucoup remarquent la forte proportion masculine à table. L'impression générale n'est pas celle d'une réunion féminine.
L'essentiel pour celles qui se sont posées ici aujourd'hui est d'avoir pu vivre cette expérience.
Celles qui ne volent pas souvent seules en verront leur confiance grandement renforcée.
Et celles qui sont venues en équipage mixte (si, si, plus d'une, je dénonce !) ont manqué
une excellente opportunité de progresser, et de démontrer que les préjugés qui perdurent n'ont plus lieu d'être.
Ces messieurs qui profitent de l'occasion pour emmener une amie ou une élève ne respectent pas l'esprit
de l'évènement et devraient plutôt travailler à suivre l'exemple de l'Association des Femmes Pilotes qui a
initialisé cet évènement en 2006.
Retour à la maison
La majorité des équipages se promène dans le Musée, avant de préparer le retour et
d'éviter embouteillages au départ ou dégradation éventuelle de la météo.
La navigation vers St André est rapide, les points du matin sont faciles à retrouver,
et l'appareil photo est sorti afin d'immortaliser la superbe vue de Paris qui s'offre à nous.
Des images comme ça donnent envie de revenir, et je compte bien être là l'an prochain.
Le soir même, le reportage est diffusé sur France 3.
Je suis contente d'avoir contribué à une illustration pour une fois positive de la Journée de la Femme… et
surtout à 4 minutes d'antenne sur l'aviation légère qui y est présentée de façon simple et attrayante.